LES BIJOUX.
Pièce
de théâtre en trois actes
La scène se passe au flanc d'une colline rocheuse.
Deux hommes arrivent en
même temps, chargés de sacs à dos,
venant de droite et de gauche et se retrouvent nez à nez.
le théatre représente une grotte spacieuse,
précédée d'une terrasse où
va se dérouler le sketch.
Les personnages sont ;
Un monsieur : Constantin
Un jeune homme : Ravi
Une dame de quarante cinq ans
Un lapin.
ACTE PREMIER
Au lever de rideau, Constantin et Ravi arrivent en même
temps,
venant chacun d'un côté opposé et
jettent en
même
temps leurs bagages au sol.
Constantin porte un sac à dos, un fusil de chasse, une
broche
à rôtir. Il déballe un litre de rouge,
un
saucisson géant
et pose sur un caillou le transistor qui joue un air
d'accordéon.
Ravi porte une guitare, un sac " Vie Claire " et
déballe
une botte de carottes crues, des oranges, un ou deux livres et un zafou.
Ils posent
ensemble leurs bagages.
CONSTANTIN - Ouf !
RAVI - Aum !
CONSTANTIN ( fermant son transistor ) - Bonjour jeune
homme... vous venez ici avec l'intention de vous y installer ?
RAVI - Et vous aussi à ce que je vois ?
CONSTANTIN - Comme de juste, mais je vais aller ailleurs.
RAVI - Non, non, je ne veux pas vous déranger...
je vais moi aller ailleurs.
CONSTANTIN - Je connais les lieux, il n'y a pas un abri
à moins de cinq kilomètres.
Personnellement, je voulais passer le week-end et je n'ai rien contre
la compagnie.
RAVI - Moi non plus, mais j'aimerai quand même
avoir une solitude sinon absolue, du moins relative.
CONSTANTIN - Moi aussi, j'aime la compagnie. Je
préfère l'avoir moins absolue et plutôt
relative.
RAVI - Si on construisait un mur entre nous deux, au milieu
de la grotte, avec tous ces cailloux.
Il y en a plein ; ça nous fera un peu d'exercice.
CONSTANTIN - C'est une bonne idée. On aura ainsi
un chez-soi sinon absolu, au moins relatif.
RAVI - J'aurai une méditation sinon absolue au
moins relative.
CONSTANTIN - Si je m'ennuie, j'aurai un ennui moins absolu et
plus relatif.
LE RIDEAU
TOMBE .
ACTE DEUX
La grotte est séparée en deux par un mur sommaire
de cailloux qui s'avance en dehors
de façon à ce que les deux acteurs ne se voient
pas, même devant la grotte.
Chacun de leur côté, les deux acteurs sont assis.
Du
côté de Ravi, un lapin grignote une carotte.
Constantin
déjeune de son
saucisson. Il baisse le transistor qui joue fort.
CONSTANTIN - La musique ne vous dérange pas trop ?
RAVI ( en position de lotus ) - Non, non... pour
une méditation relative, ça peut aller.
CONSTANTIN - J'ai été faire un tour. Je
n'ai pas
trouvé un lapin. Il n'y a aucun gibier dans cette colline...
RAVI ( en parlant au lapin ) - Ne fais pas le mariole, ne
bouge pas d'ici.
CONSTANTIN - Qu'est-ce que vous dites ?
RAVI - Je dis qu'il n'y a pas une bestiole dans cette
contrée-ci.
UNE VOIX DE FEMME - A l'aide ! ... au secours ! ... au
secours ! ... Au voleur ! Vite ! ...
( Une dame
descend en dégringolant, toute essoufflée et
gesticulant
du côté de Constantin. )
LA DAME - A l'aide !... Au secours ah, monsieur !... ce qui
m'arrive... Je me promenais dans la colline et voilà que des
voyous
m'ont assaillie, m'ont décroché mon sac
à main, emportant tous mes bijoux.
Constantin se
lève, se campe, empoigne son fusil, y met une cartouche.
CONSTANTIN - Par où, madame ?
LA DAME - Par là...
Constantin disparaît en courant. La dame
s'écroule,
se relève, s'agite, sursaute, se rassied, se releve,
tâte
son coeur qui bat.
Ravi,
pendant ce temps a pris sa guitare avec des gestes lents et harmonieux
qui contrastent avec ceux de la dame.
( Bien souligner le
contraste entre les deux acteurs ).
Ravi s'accompagne de la
guitare et chante :
N'attrape indigestion que qui s'est trop goinfré,
n'est victime de vol que qui est attaché,
ne peut perdre la vie que qui n'est pas défunt,
ne peut être vexé que qui se croit quelqu'un.
Personne absolument ne peut être déçu,
que qui mise sur quoi faut pas compter dessus.
Pour avoir en tout temps une joie brevetée,
mets ton bonheur en ce qui est à ta portée.
Nul ne peut tomber dans la peine ou l'affliction,
qui ne se soit laissé bercer par l'illusion,
s'il germe dans ton coeur le plus menu chagrin,
personne autre que toi n'en a semé le grain.
Cela qui est mordable seul peut être mordu,
cela qui est perdable seul peut être perdu.
Et plus vite tu perds ce qui est périssable
et plus vite ta tête émergera du sable.
Sors du sable ton bec, petite soeur autruche,
et au cas où ta tête heurterait une cruche,
si ça sonne le creux n'en croit pas pour autant
que c'est la cruche qui est vide forcément.
Ce que tu as perdu n'est pas bien regrettable,
car tout ce qui se perd n'est pas vraiment valable,
si t'avais mis dedans bien trop d'éternité,
dis donc y'en a encore beaucoup plus à
côté.
Ravi, entre chaque couplet fais de grands gestes harmonieux
comme
le Ravi de la pastorale et manifeste
beaucoup de joie, à l'inverse de la dame prostrée
de l'autre côté du mur.
La dame écoute, joint les mains, alterne ses
états
d'agitation et de réflexion ; se lève, se
rassied,
prête l'oreille,
se décontracte un instant, redevient nerveuse, et cela tout
le temps que chante Ravi.
On
entend un coup de fusil au loin.
UNE VOIX - Allez, rendez-moi ça, bande de salopard
!
La dame s'agite de nouveau. Son visage
passe de la
grimace à la satisfaction. Elle se dirige du
côté
par où est partit Constantin.
Constantin dégringole presque sur le dos de la dame. Il est
éssoufflé. Il tient au pouce le sac à
main, mais
il n'a pas son fusil.
LA DAME - Ah, merci !
Ravi parle à son lapin.
CONSTANTIN - Oui, il s'en fallait de peu.
LA DAME - Comment vous remercier ? Acceptez quelque chose...
CONSTANTIN - Jamais de la vie.
LA DAME - Un billet...
CONSTANTIN - Ce serait répugnant.
LA DAME - Vous avez risqué votre vie.
CONSTANTIN - Justement...aucune récompense ne peut
être mise en balance avec le risque de la vie...
LA DAME ( à part ; quel honnête homme ! ) -
Monsieur, je suis heureuse et si vous ne voulez rien
accepter, ma
joie ne sera pas totale.
CONSTANTIN ( à part ; qu'elle prenne de l'Esso ! ) -
Madame, vous m'avez déjà
donné
quelque chose...
LA DAME - Mais non...que voulez-vous dire ?
CONSTANTIN - des émotions...et
précisément
là où je n'étais pas venu les chercher.
LA DAME - J'aurais tant aimé vous faire un petit
plaisir.
CONSTANTIN - Le plaisir ? C'eût
été de
courrir après un lapin...je déteste le gibier de
potence.
LA DAME - Mes bijoux valent bien plus qu'un lapin et...
CONSTANTIN - Voulez-vous un coup de rouge ?
LA DAME - Non merci... vous ne voulez donc rien recevoir pour
votre geste ?
CONSTANTIN - Votre geste me suffit... un geste
généreux pour un généreux
geste... nous
sommes quittes.
Constantin s'assoit, boit un verre. La dame sort.
ACTE TROIS
Ravi est seul sur la scène,
caresse son
lapin et lui parle.
RAVI - Allons...tu l'as échappé
belle... ne va pas
traîner par là. Fais attention en t'en retournant,
baisse
les oreilles... ( Il lui fait une bise ).
UNE VOIX AU LOIN - A l'aide ! au secours !... au voleur !...
( La
dame apparaît agitée autant que la
première fois,
poussant
les mêmes cris, faisant partir le lapin. Mais cette fois,
elle
apparaît du côté de Ravi. Ravi la
dévisage
calmement ).
LA DAME - Où est le monsieur qui tout à
l'heure m'a
rendu un si grand service ? Ah ah, les loubards ont trouvé
son
fusil qu'il avait oublié sur le rocher...ils m'ont
attaqué de nouveau...ils
m'ont violenté et m'ont arraché mon sac
à main
avec tous mes bijoux...500 000 euros de bijoux !
RAVI - Combien ?
LA DAME - Ah mon Dieu, 500 000 euros de bijoux !
RAVI - Depuis combien de temps avez-vous ces bijoux ?
LA DAME ( s'effondrant ) - Depuis mon mariage, depuis 25 ans.
RAVI ( très calme ) - Vous transportez ces bijoux
avec vous depuis 25 ans dans ce petit sac ?
LA DAME - Ah ! Que faire ? Où est le monsieur qui
tout à l'heure...
RAVI - ...vous a rendu un si grand service ?
LA DAME - Oui !
RAVI - Le monsieur ne vous a pas rendu un si grand service ?
LA DAME - Ah, que dites-vous là ? Il m'a remis en
possession de mes bijoux une fois !
RAVI - Oui, mais c'était provisoire. Ne vous en
rendez-vous pas compte maintenant ?
LA DAME - Pouvez-vous faire quelque chose ?
RAVI - Oui, si vous voulez, mieux ! Du définitif !
LA DAME - Ah, monsieur, faites vite, il n'y a pas un instant
à perdre.
RAVI - Non, ce serait en effet beaucoup trop de perte pour un
même jour !
LA DAME - N'ironisez pas ! Allez...je vous
récompenserai.
RAVI - N'avez-vous pas perdu autre chose, Madame ?
LA DAME - Non, mais 500 000 euros de bijoux....n'est-ce pas
assez perdu ?
RAVI - Je vous dit, moi, que vous avez perdu autre chose...
LA DAME - Mon Dieu, quoi ?
RAVI - Votre calme, votre paix, votre joie...
LA DAME - Et si vous me retrouvez mes bijoux, je retrouverai
calme, paix, joie ! Mais vous ne faites rien sinon bavarder,
vous ne bougez pas et je perds mon temps !
RAVI - Ne vous énervez pas...je vais vous rendre
tous vos
bijoux, et même les vrais à la place des faux...
LA DAME - Ne me dites pas de bêtises, mes bijoux
n'étaient pas faux ! Je les ai fait expertiser 50 fois ! Ah,
si
vous n'aviez pas l'air si ingénu, je croirais volontier que
vous
faites partie de la bande qui ma dévalisé !
RAVI - C'est que... j'ai peut-être été
envoyé pour vous prendre vos faux bijoux...et vous donner
les
vrais !
LA DAME - Je vous dis que mes bijoux sont bien vrais !
RAVI - Mais, n'étant plus vôtre,
à quoi sert-il qu'ils soient vrais ?
( La dame se
lève et fait des gestes
d'impatience. )
RAVI - Restez assise...je vais vous rendre tous les bijoux
que vous avez perdu depuis 25 ans...
LA DAME ( exaspérée ) - Mais
je ne les ai perdu que depuis dix minutes !
RAVI - Vous avez vécu 25 ans sans eux, puis 25 ans
avec
eux, puis un quart d'heure sans eux, puis dix minutes avec eux,
et enfin depuis dix minutes encore sans eux...
LA DAME - Ah, ça ! Adieu monsieur !
RAVI - Ne partez pas encore, je vous ai promis quelque chose,
détendez-vous...étendez les mains...ouvrez les
bien
grandes...
LA DAME ( à part ) - C'est peut-être un
mage ?
( La dame reste là,
fatiguée, mais ne
peux ouvrir les mains. Ravi tape dessus à plat pour les
obliger
à rester ouvertes ).
LA DAME - Vous faites mal...
RAVI - Pas autant que la résistance qui vous les
tient fermées !
LA DAME - Vous êtes une espèce de
magicien ?
RAVI- Ouvrez...Lâchez... Relâchez...
LA DAME - Lâcher quoi ?
RAVI - Le tourment de vos bijoux...
La
dame grimace.
RAVI - Avant votre mariage, vous étiez
jolie...Votre
entrée en possession de bijoux vous a fait grimacer...
Grimaces
sur grimaces... Les bijoux vous ont enlaidie, vous ont rendu
préoccupée,
possessive, soucieuse, nerveuse, méfiante, grincheuse,
inquiéte, constipée, cardiaque, de plus vos
bijoux sont cancérigènes !
La dame tombe
évanouie.
Ravi prend la
tête de la dame entre ses mains.
RAVI - Allons madame, réveillez-vous, vos bijoux
sont là...
LA DAME ( en sursautant ) - Hein ? Ils sont là ?
RAVI - Oui, Madame, tous vos bijoux sont là. En
vous.
Inoxydables, inaliénables, impérissables. Ils
s'appellent
: Sérénité...
Paix...Plénitude d'être...Joie de
vivre...Insouciance...Les autres étaient tous faux : lourds,
périssables, creux, vides...voyez-les ainsi, parfaitement
dignes
de ceux qui se les ont apropriés ! Etes-vous une voleuse ?
LA DAME - Mais non, grand Dieu !
RAVI - Alors, laissez aux voleurs les choses volables.
LA DAME - Je suis en train de me laisser
complètement jouer.
RAVI - Pas du tout, Madame, ce sont vos bijoux qui se
jouaient de
vous et qui faisaient de vous leur jouet, mais nous déjouons
leur jeu.
LA DAME - Et voudriez-vous que je n'en jouisse plus ?
RAVI - Certes, car alors votre jouissance de vie serait moins
conditionnée.
LA DAME - Vous avez peut-être raison... ( Elle se
lève brusquement ). Mais vous en avez du culot !
RAVI - Allons, Madame, un petit allègrement ! Je
ne vous
ai pas engrossé, mais dégraissé
plutôt !
LA DAME - Insolence et mystification.
RAVI - Je ne suis pas insolent mais ingénu. C'est
la plus
grande force au monde. Vous étiez obèse,
retrouvez votre
ligne.
Madame, il y a deux sortes d'handicapés dans ce monde : ceux
qui
ont des membres en moins et ceux qui ont des membres en trop. Vous
étiez de ces derniers et j'ai essayé de vous
faire
l'ablation d'un corps étranger. Les voleurs
n'étant rien
moins que le bistouri.
LA DAME - J'ai bien écouté votre
chanson et j'ai
compris quelque chose. Mais Monsieur, vous vous méprenez...
je
ne suis
pas attachée à mes bijoux. Je les garde
à cause de
ma mère de qui je les tiens et pour cadeau de mariage
à
ma fille.
Les deux seraient désappointés de ce qui m'arrive
et encore plus de mon désintérressement.
RAVI - Oh, ce n'est pas là une marque d'affection
pour
votre mère ou votre fille; Mais c'est un attachement funeste
à leurs opinions fausses.
LA DAME - Attendez... Attachement funeste à leurs
opinions fausses...laissez-moi réfléchir.
C'est trop fort pour moi. Je ne suis pas une intellectuelle. Ce n'est
pas le moment de philosopher. De toutes façons, si je ne
dois
plus les retrouver, c'est sagesse de les oublier, de s'y
résigner.
RAVI - Abominable résignation. Catastrophe de les
oublier.
Il faut au contraire, y penser fortement. Si vous les fuyez,
ils vous rattraperont. Il faut les ingurgiter comme une nourriture. Ils
étaient partie intégrante de vous-même.
Ne les vomissez pas comme ça. Ne les fuyez pas mais
classez-les
tout bonnement parmi les choses de vous qui passent, qui passent
à
travers vous sans jamais devenir vous-même, comme la plupart
des
aliments qui doit être rejeté loin de vos narines.
La
fuite ne résoudrait rien.
LA DAME - La fuite ne résout rien.
RAVI - Pensez fortement à vos bijoux selon leur
vraie
nature qui est de causer des plaisirs
éphémères,
très éphémères,
des soucis, des tracas, des jalousies, des conflits, des constipations,
des attentats.
LA DAME - Mais cela arrache quelque chose de soi.
RAVI - Comme une opération d'abcès.
LA DAME - Bon, si vous me rechantiez la chanson de tout
à l'heure ?
N'attrape indigestion que qui s'est trop goinfré,
n'est victime de vol que qui est attaché,
ne peut perdre la vie que qui n'est pas défunt,
ne peut être vexé que qui se croit quelqu'un.
Personne absolument ne peut être déçu,
que qui mise sur quoi faut pas compter dessus.
Pour avoir en tout temps une joie brevetée,
mets ton bonheur en ce qui est à ta portée.
Nul ne peut tomber dans la peine ou l'affliction,
qui ne se soit laissé bercer par l'illusion,
s'il germe dans ton coeur le plus menu chagrin,
personne autre que toi n'en a semé le grain.
Cela qui est mordable seul peut être mordu,
cela qui est perdable seul peut être perdu.
Et plus vite tu perds ce qui est périssable
et plus vite ta tête émergera du sable.
Sors du sable ton bec, petite soeur autruche,
et au cas où ta tête heurterait une cruche,
si ça sonne le creux n'en croit pas pour autant
que c'est la cruche qui est vide forcément.
Ce que tu as perdu n'est pas bien regrettable,
car tout ce qui se perd n'est pas vraiment valable,
si t'avais mis dedans bien trop d'éternité,
dis donc y'en a encore beaucoup plus à
côté.
DERNIER ACTE
Constantin entre tout
éssoufflé.
CONSTANTIN - Ouf !....ça y est... j'ai
retrouvé mon
flingot. J'ai attrapé un lapin et
récupéré
une fois de plus le sac à main de la dame... Mais, cette
fois, si elle m'offre quelque chose, j'accepte
volontiers....après tout le mal et les émotions,
je me
payerai un fusil à deux coups.
Il s'approche du mur et
s'adresse à
Ravi.
CONSTANTIN - Jeune homme...vous n'avez pas vu une dame
commotionnée ?
LA DAME - Je suis là !
CONSTANTIN - Ah ! Par exemple, voilà encore une
fois vos
bijoux retrouvés. Vous êtes vraiment une vedette
à
suspens
et sur un théatre inattendu, car on est venu là
pour fuir toute émotion...
RAVI - Tout cela est fort utile pour digérer les
aliments lourds.
CONSTANTIN ( tendant royalement le sac à main de la dame ) -
Voilà, Madame, votre bien.
Les gamins ont reçu de votre part, par mon soulier, un coup
de pied aux fesses.
La dame prend le sac et le jette avec
grâce
aux pieds de Ravi.
CONSTANTIN - Vous les donnez à lui ?
LA DAME - Oui...
CONSTANTIN ( à part )-( Il a fait une touche gigologique ! )
- Qu'allez-vous faire de tout ça ?
RAVI - M'acheter une guitare à deux coups pour
chanter la futilité des choses volables.
LA DAME ( tournée vers Ravi ) - Monsieur....
RAVI - Ravi !
LA DAME - Monsieur Ravi, je suis perplexe.
RAVI - Oui, Ravi a deux sens...être content de rien et
s'emparer
de tout. S'il y a une contradiction, elle ne peut être que
dans
votre cervelle.
LA DAME ( tournée vers Constantin ) - Je suis
perplexe.
CONSTANTIN - Et moi encore plus...je me suis
fatigué deux
fois pour vos bijoux et vous manifestez de la reconnaissance
pour mon collègue d'à coté qui n'a pas
remué
le petit orteil. Ce n'est pas que je suis jaloux...je n'y comprends
rien
(excité) ah ! ah! c'est plutôt marrant ; c'est
très drôle !
RAVI - Ne troublez pas la méditation de la dame.
Elle est
en train de récupérer ses vrais bijoux.
CONSTANTIN ( ironique ) - Et vous...vous allez sans doute
hériter des faux ? Vous êtes doué pour
endormir les
gens ;
les faire rêver et les dévaliser dans leur
rêve.
LA DAME - Vous m'avez fait comprendre, monsieur Ravi, combien
il
était pacifiant de se débarrasser du
désir des
bijoux,
beaucoup plus que de se torturer pour les
récupérer, mais, en même temps, je ne
puis
m'empêcher de penser que je suis la dinde de la farce et que
je
réalise la somptuosité de votre
habileté.
CONSTANTIN - Le pouvoir magique du boniment.
RAVI - On ne peut être joué et
dindonné que
par soi-même et ses propres opinions. Si vous cogitez sur mes
intentions et que cela vous chagrine, vous ne vous libèrerez
point. Les bijoux sont encore moins faux que les opinions fausses.
LA DAME - Je veux dire que je dois faire des efforts pour ne
pas être chagrinée.
RAVI - Ah ! Et qu'est-ce qui vous chagrine ?
LA DAME - C'est que, prêchant le
détachement...vous acceptez les bijoux.
CONSTANTIN - Sans les partager...
RAVI - C'est ça... vous les tenez en laisse et
vous n'êtes pas encore convaincu de leur futilité.
LA DAME - Tout aurait été bien plus
simple si les
bijoux étaient restés aux loubards...Maintenant
qu'ils
sont là...
( Constantin se
lève et se penche sur le mur. Ravi ouvre le sac, le secoue.
Il
est vide...)
LA DAME - Je vous quitte. Merci à tous les deux.
Elle sourit à
Constantin et s'adresse
à Ravi :
LA DAME - Vous ....j'aimerai vous revoir. Vous êtes
un être attachant.
RAVI - Ce serait bien le pire... que vous vous attachiez
à
la clé qui a ouvert votre prison. C'est la même
qui peut
vous y enfermer.
La séparation est plus bénéfique.
RAVI ( Il lève les yeux au ciel ) - La
voilà qui arrive.
Le rideau tombe
doucement. Ravi passe devant le rideau.
RAVI - Merci rideau.